L’Azerbaïdjan et l’Arménie ont signé, sous l’égide de la Russie, un accord de fin des hostilités dans le conflit du Haut-Karabakh, qui consacre les victoires militaires azerbaïdjanaises après six semaines de combats meurtriers. Le président russe, Vladimir Poutine, a lui-même confirmé cet accord entré en vigueur à 22 heures, heure de Paris, lundi 9 novembre.

« Le 9 novembre, le président de l’Azerbaïdjan [Ilham Aliev], le premier ministre de l’Arménie [Nikol] Pachinian et le président de la fédération de Russie ont signé une déclaration annonçant un cessez-le-feu total et la fin de toutes les actions militaires dans la zone du conflit du Haut-Karabakh à partir de minuit le 10 novembre, heure de Moscou », a dit Vladimir Poutine, selon une déclaration diffusée dans la nuit de lundi à mardi aux médias. Selon lui, les belligérants gardent au terme de cet accord « les positions qu’ils occupent ».

La Russie est en train de déployer près de 2 000 soldats de la paix pour assurer le respect du texte, qui prévoit notamment que l’Azerbaïdjan reprenne le contrôle de plusieurs districts qui lui échappaient, et le maintien d’un corridor terrestre reliant les territoires encore sous contrôle séparatiste et l’Arménie. M. Poutine a souhaité que cet accord puisse mener « à la création des conditions nécessaires pour un règlement durable » du conflit.

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Le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, avait annoncé quelques minutes auparavant sur sa page Facebook, la signature de cet accord : « J’ai signé une déclaration avec les présidents de Russie et d’Azerbaïdjan sur la fin de la guerre au Karabakh », qualifiant cette initiative « d’incroyablement douloureuse pour moi et pour notre peuple ».

Après l'annonce d'accord de paix, quelques milliers d'Arméniens ont manifesté leur désaccord sur la place de la République, à Erevan, le 9 novembre.

« J’ai pris cette décision à la suite d’une analyse approfondie de la situation militaire, et de l’évaluation des personnes qui connaissent le mieux la situation. Elle est aussi basée sur la conviction que c’est la meilleure solution possible à la situation actuelle », a-t-il écrit, ajoutant :

« Ce n’est pas une victoire, mais il n’y a pas de défaite tant que vous ne vous reconnaissez pas comme un perdant. Nous ne nous reconnaîtrons jamais comme des perdants et cela devrait être le début de notre ère d’unification nationale et de renaissance. »

Chassés « de nos terres comme des chiens »

Le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, s’est, lui, félicité d’une « capitulation » de l’Arménie. « Nous avons forcé [le premier ministre arménien, Nikol Pachinian] à signer le document, cela revient à une capitulation », a-t-il dit à la télévision. « J’avais dit qu’on chasserait [les Arméniens] de nos terres comme des chiens, et nous l’avons fait », a-t-il ajouté.

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Dès l’annonce de cet accord, une foule de milliers de manifestants en colère s’est rassemblée aux abords du siège du gouvernement arménien. Des centaines d’entre eux ont pénétré dans les locaux, brisant des vitres et saccageant des bureaux, notamment une salle de conseil des ministres, selon un journaliste de l’Agence France-Presse (AFP) présent sur place. « Nikol est un traître », ont notamment scandé les manifestants.

Ambiance tendue au sein des bâtiments du gouvernement arménien suite à l’arrivée de manifestants, à Erevan, le 9 novembre.

Une défaite militaire dans le Haut-Karabakh a de quoi menacer l’avenir du premier ministre arménien, porté au pouvoir au terme d’une révolte populaire en 2018. Dix-sept partis d’opposition, dont certains des plus importants, avaient réclamé avant même l’accord de fin des hostilités la démission de M. Pachinian et de tout son gouvernement.

Plus de 1 300 morts depuis fin septembre

Depuis la fin septembre, les combats les plus sanglants depuis près de trente ans opposent les séparatistes arméniens et l’armée azerbaïdjanaise dans le Haut-Karabakh. Bakou veut reprendre le contrôle de cette province qui a fait sécession pour devenir de facto indépendante, au début des années 1990 à l’issue d’une guerre qui fit plus de 30 000 morts. Peuplé aujourd’hui quasi exclusivement d’Arméniens, ce territoire était rattaché à l’Azerbaïdjan à l’époque soviétique mais est considéré par les deux pays comme une partie intégrante de leur histoire.

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L’annonce d’un accord de fin des hostilités intervient alors que les forces azerbaïdjanaises affirmaient avoir pris Chouchi, ville stratégique à quinze kilomètres de la capitale séparatiste Stepanakert et située sur l’artère vitale reliant la république autoproclamée à son parrain arménien. La chute de cette localité était considérée comme un tournant de la guerre.

Dans les bâtiments du gouvernement après l'annonce d'accord de paix, à Erevan, le 10 novembre.

Le conflit a fait au moins 1 300 morts depuis le 27 septembre, selon des bilans très partiels, l’Azerbaïdjan n’ayant jamais annoncé ses pertes militaires. Depuis des semaines, la Russie et d’autres puissances tentaient d’obtenir un cessez-le-feu, mais trois tentatives ont échoué à chaque fois juste après l’entrée en vigueur de ces trêves humanitaires.

Avant l’annonce de l’accord dans la nuit de lundi à mardi, la journée avait été marquée aussi par un hélicoptère Mi-24 de l’armée russe abattu par erreur par l’Azerbaïdjan au-dessus de l’Arménie. La partie azerbaïdjanaise s’est excusée pour « cet incident tragique ».

La Russie est la puissance régionale dans le Caucase du Sud. Elle est une alliée militaire de l’Arménie mais a aussi de bonnes relations avec l’Azerbaïdjan, deux ex-républiques d’URSS. Moscou avait mis en garde à de nombreuses reprises que le conflit du Haut-Karabakh pouvait déborder de ses frontières, sous-entendant qu’elle interviendrait le cas échéant.

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Le Monde avec AFP

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